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Au procès des viols de Mazan, la part de la « suggestibilité » et celle du libre arbitre des coaccusés

Pour la deuxième fois, le psychiatre François Amic a été appelé à la barre de la cour criminelle du Vaucluse. Il était venu, le 7 octobre, présenter son expertise pour cinq accusés au procès des viols de Mazan, il est revenu pour cinq autres, lundi 21 octobre. Des « sujets manipulables », avait-il affirmé des premiers qu’il avait examinés. « Un bon client pour les manipulateurs », « on peut penser que ce monsieur a été initialement dupé », a-t-il persisté, à propos de cet autre échantillon.
Sur les bancs de la défense, on savoure et engrange des conclusions venues à point nommé illustrer et accréditer les mots maladroits de la majorité des accusés, répétant qu’ils ont été « manipulés ». Au pupitre de l’accusation, comme au banc de la partie civile, on s’exaspère de cette forme de caution apportée à ceux qui se dérobent à leur responsabilité. De part et d’autre du prétoire, une âpre bataille s’engage, les uns pour tenter de faire dire à l’expert plus qu’il ne peut et doit, les autres pour amoindrir et écorner la portée de son propos.
Le docteur François Amic a pu lui-même prêter le flanc aux critiques, affirmant beaucoup, se hasardant parfois au-delà des limites de son échantillon et s’échappant dans une habile pirouette dialectique quand le dossier d’accusation nuançait certaines de ses assertions. Sa déposition illustre au passage l’éternel dilemme de l’expertise psychiatrique en matière criminelle : que l’accès au dossier d’accusation ait été ouvert à son auteur, et il se verra reprocher de se fonder davantage sur ce qu’il a lu, que sur ce qu’il a pu lui-même observer. Que cette connaissance lui ait été refusée ou très partiellement accordée et il sera tentant d’opposer des pièces de procédure à ses observations, fondées sur les seules déclarations des sujets expertisés. Lassée d’argumenter contre les conclusions de l’expert, la partie civile s’est d’ailleurs retranchée derrière l’arme nucléaire du dossier d’accusation. « Avez-vous vu les vidéos ? », lui a demandé Me Antoine Camus. « Non », a répondu le docteur Amic.
Il n’empêche. La vivacité des réactions de prétoire témoigne que le psychiatre a touché un point sensible. Portés par la dimension historique de cette affaire et par la mobilisation de l’opinion – chaque jour de nouveaux calicots, rédigés dans toutes les langues, s’affichent dans les rues adjacentes du palais de justice en soutien de Gisèle Pelicot et la salle réservée au public ne désemplit pas –, les avocats de la partie civile s’opposent à tout ce qui est susceptible d’opérer une hiérarchie de responsabilité entre Dominique Pelicot et les autres accusés. Ils doivent rester cette masse d’hommes indistincte, ces sexes filmés en gros plan dans la chambre à coucher de Mazan, indifférents et sourds aux ronflements sonores de celle qu’ils pénètrent ou tentent de pénétrer.
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